Anne Louise Brillon de Jouy, 1744-1824

Madame Brillon de Jouy est connue de ses contemporains, dans les vingt années qui précèdent la Révolution, par le rayonnement de son salon musical, à Paris dans le quartier du Marais, puis à Passy. Elle appartient au milieu de la noblesse de robe fortunée. Fille de Louis-Claude Boyvin d'Hardancourt, écuyer et secrétaire du roi, un mélomane éclairé, elle est mariée en 1763, à dix-neuf ans, avec Jacques Brillon de Jouy (1722-1787), de vingt-deux ans son aîné, lui-même « écuyer, conseiller du roi et receveur des consignations des conseils du roi, Parlement et autres cours et juridictions ».

Elle anime rapidement un salon où elle brille comme claveciniste et compositrice. Elle y reçoit, entre autres, des musiciens étrangers en recherche de mécènes à Paris, tels que Johann Schobert, Luigi Boccherini, Ernst Eichner, Henri-Joseph Rigel. Tous les quatre, ils lui dédicacent des pièces pour clavecin. Son salon est décrit par le musicien anglais Charles Burney, invité en 1770. Il en fait un portrait élogieux et il évoque ses qualités de claveciniste virtuose. Dans ses Mémoires, Elisabeth Vigée-Lebrun évoque elle aussi ses visites chez Madame Brillon.

Madame Brillon est également compositrice, essentiellement pour le clavier (des sonates), ou pour la voix (des romances), dans le style de l'époque. Elle est l'une des premières à Paris à s'intéresser au pianoforte, ce qui l'amène à correspondre avec Jean-Chrétien Bach à Londres. Elle écrit quelques pièces associant le clavecin et le pianoforte, ce qui est rare.

Sa notoriété est renforcée par une grande amitié avec Benjamin Franklin, son voisin à Passy pendant son séjour parisien de 1777 à 1785. Malgré leurs trente-huit ans d'écart, leur correspondance abondante témoigne d'une relation faite de tendresse, de complicité et de curiosité intellectuelle. Madame Brillon l'accompagne parfois dans ses explorations parisiennes, par exemple pour rencontrer Mesmer et observer comment il utilise la musique dans sa thérapie par le magnétisme.

Sa bibliothèque musicale, comprenant ses propres œuvres mais aussi celles qu'elle appréciait et jouait, illustre les goûts parisiens de l'époque, pour les effectifs sans doute réduits d'un salon privé.

Le départ de Franklin en 1785, la mort de son mari en 1787, puis la Révolution bouleversent cette vie brillante. On perd la trace de ses éventuelles activités musicales, mais on sait qu'elle traverse les épreuves de la fin du siècle avec énergie et intelligence, luttant pour préserver sa famille et son patrimoine. Elle meurt en 1824 chez sa fille, Madame Pâris d'Illins, au château de Villers sur Mer en Normandie, après avoir traversé, outre une longue révolution, les régimes de trois rois, une république et un empereur.

Brillon de Jouy